Inventée en 1919 par l'allemand Arthur Scherbius, Enigma est sûrement la machine cryptographique la plus connue. Elle se présente comme une machine à écrire un peu spéciale, qui chiffre automatiquement les lettres tapées par l'utilisateur. Très utilisée par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale, elle a longtemps été réputée inviolable. Le déchiffrement des messages d'Enigma a été très complexe mais a donné au camp des Alliés un grand avantage dans la poursuite de la guerre.
Enigma est brevetée en 1918 par un ingénieur en électricité allemand, Arthur Scherbius. En 1923, la première version, Enigma-A, est commercialisée mais elle n'a pas de succès à cause de son prix élevé (environ l'équivalent de 30 000 euros !). Mais en 1926, la Marine allemande commence à l'utiliser et en 1929, son usage est étendu à toute l'armée allemande. La machine est longtemps réputée inviolable par ses créateurs : selon eux, pour déchiffrer un message envoyé par une machine Enigma d'un certain type il faut obligatoirement une machine Enigma identique. Les pays européens dont la France, l'Angleterre et la Pologne s'intéressent rapidement à la machine et des recherches pour déchiffrer les messages codés par Enigma sont réalisées dès 1931. Mais la machine est sans cesse améliorée et le déchiffrage devient de plus en plus difficile.Lors de la Seconde Guerre mondiale, déchiffrer les messages envoyés par les Allemands devient nécessaire pour les Alliés. Les cryptanalystes (c'est-à-dire des chercheurs tentant de créer des codes ou de les déchiffrer) dont le célèbre Alan Turing poursuivent donc des études polonaises sur Enigma et réussissent laborieusement à déchiffrer une partie des messages Allemands. Certains historiens estiment que les informations récupérées par les Alliés grâce à ces cryptanalystes ont permis d'écourter la Seconde Guerre mondiale d'au moins deux ans.
Lorsque l'utilisateur appuie sur une touche du clavier, un courant électrique traverse une série de composants qui permettent à la machine de chiffrer automatiquement la lettre. Une lampe s'allume alors pour permettre à l'utilisateur de récupérer la lettre chiffrée. Pour chiffrer les lettres, Enigma utilise différents composants : un réseau complexe de fils électriques, des "rotors", un "réflecteur" et "un tableau de connexion". Ces composants varient pour les différentes versions d'Enigma.
Les rotors sont des disques d'une dizaine de centimètres de diamètre. Ils sont alignés le long d'un axe et un mécanisme permet leur rotation. Lorsque l'utilisateur appuie sur une touche, les rotors tournent et modifient la configuration du réseau. Ainsi, lorsqu'une même lettre est saisie deux fois de suite, elle est chiffrée différement. Un rotor possède 26 contacts électriques. Chaque contact correspond à une lettre et est relié à un autre contact (qui correspond à une autre lettre) grâce à un fil électrique. Chaque rotor change la lettre qu'il reçoit en une autre lettre grâce à ces fils : il s'agit simplement d'un chiffrement par substitution. C'est donc la combinaison de plusieurs rotors ainsi que leur rotation qui rend complexe le chiffrement d'Enigma, car l'alphabet de substitution change à chaque pression de touche. Dans la plupart des versions d'Enigma, il y a trois rotors mais il peut y en avoir plus. Plus les rotors sont nombreux, plus les messages sont difficiles à déchiffrer.
Voici un exemple de rotation du rotor.On peut constater que les lettres ne sont effectivement pas chiffrées de la même manière avant et après rotation. Le D qui se transformait en B avant rotation se transforme en C après rotation.
Pour mieux comprendre le fontionnement d'un rotor, voici un petit schéma en montrant la vue éclatée : 2. Point montrant le contact correspondant au A (pour l'assemblage) 3. Roue de l'alphabet 4-5-6. Connexions électiques réalisant la substitution 8. Axe 9. Roue pour positionner manuelement le rotor 10. Roue pour que le rotor tourne N.B : Les éléments non légendés ne sont pas essentiels à la compréhension du fonctionnement du chiffrement avec Enigma.
Le réflecteur est un élément agissant un peu comme un miroir : il renvoie le courant, qui repasse donc dans le sens inverse pour allumer une lampe. Le réflecteur garantit la symétrie du message : si l'on entre le message codé dans une machine identique à celle l'ayant chiffré, celle-ci renvoie le message déchiffré.Mais il cause une faille importante dans la complexité du code : une certaine lettre ne pourra jamais être chiffrée par la même lettre (par exemple, un M ne peut pas être chiffré par un M).
Le tableau de connexions permet de rendre les choses encore plus complexes en permuttant les lettres deux par deux avant de les faire passer dans les rotors. C'est cette partie de la machine qui a le plus de possibilités.
Nous avons vu que le fonctionnement d'Enigma reposait sur la configuration des différents éléments à travers lesquels passe le courant. Pour pouvoir déchiffrer les messages qu'ils avaient reçus, les Allemands avaient besoin de connaître la configuration initiale de la machine qui leur avait envoyé le message. Pour cela, ils tenaient des registres présentant des combinaisons pour chaque jour. Ainsi, la clef de chiffrement d'Enigma changeait chaque jour. Il y a 2,9*1022 possibilités de clefs différentes. Si l'on teste une clef par seconde, il faudrait 928 168 045 100 186 ans pour toutes les tester !
Après toutes ces informations, rien de mieux qu'un schéma résumant bien la situation. 7 étapes : 1. L'utilisateur appuie sur une touche du clavier 2. Un courant passe à travers le tableau de connexions (ou de fiches) et transforme la lettre en une autre 3. Le courant passe à travers les rotors 4. Il se fait renvoyer dans l'autre sens par le réflecteur 5. Il repasse dans l'autre sens à travers les rotors 6. Il repasse dans le tableau de connexions 7. Et pour finir, une lampe s'allume afin de montrer la lettre chiffrée
Pour vous amuser avec Enigma, voici quelques liens vers des simulateurs :
En 1931, les services de renseignement français réussissent à obtenir des copies de la documentation d'Enigma grâce à une source, Hans-Thilo Schmidt. Ils en font part aux services de renseignements polonais et britanniques, mais ces derniers considèrent que les messages codés par une machine comme Enigma sont impossible à déchiffrer. Les services de renseignement français et polonais signent donc un accord de coopération. Des scientifiques polonais commencent à travailler sur le déchiffrage d'Enigma et sont aidés par les information apportées par les Français comme des photographies ou des plans. En 1933, les mathématiciens Marian Rejewski, Jerzy Różycki et Henryk Zygalski parviennent à reproduire le fonctionnement de la machine. En 1938, ils conçoivent la première machine aidant à casser les codes d'Enigma : la "bombe cryptologique". Cette machine essaie et élimine de nombreuses possibilités de décodage, et une telle élimination permet de réduire considérablement le temps nécessaire au déchiffrage des messages.
En 1939, la Seconde Guerre mondiale éclate et déchiffrer les messages d'Enigma devient une nécessité pour les services secrets des Alliés. Mais les scientifiques se heurtent à l'augmentation de la fréquence de changement des codes ainsi qu'au perfectionnement de la machine par les Allemands. Les Français lancent la fabrication de quarante machines Enigma pour pouvoir capter les messages allemands.
Puis les services secrets britanniques prennent le relais des travaux polonais, et reçoivent donc la totalité des documents sur Enigma ainsi que les résultats des travaux réalisés par Rejewski, Różycki et Zygalski. Les scientifiques britanniques, dont le célèbre Alan Turing, réussissent laborieusement à reconstituer les réglages et à déchiffrer de mieux en mieux les messages allemands. Le déchiffrement des messages interceptés a été très utile aux Alliés en leur donnant des informations importantes, comme les dates de passage de certains convois de ravitaillement ou des projets d'attaques. Mais il fallait aussi que les Allemands ne se doutent pas qu'une partie de leurs messages chiffrés pouvait être lue car ils auraient renforcé la sécurité d'Enigma. Ainsi, les Alliés ne pouvaient pas toujours empêcher les attaques ou intercepter les convois allemands. Néanmoins, on estime que ces informations ont permis d'écourter le guerre d'au moins deux ans.
L'histoire d'Enigma durant la Seconde Guerre mondiale a inspiré plusieurs films :
Enigma a inspiré la bande dessinée Qui a cassé Enigma ? de Fabien Tillon et à laquelle s'est associée la DGSE (services de renseignement français).
Enfin, la pièce de théâtre La machine de Turing de Benoit Soles parle de la vie d'Alan Turing et du déchiffrage d'Enigma.