L'armement à l'époque du Sengoku
Saigō Takamori (assis en uniforme occidental) entouré de ses officiers, en tenue de samouraï, lors de la rébellion de Satsuma en 1877. Image tirée d'un article du Monde illustré (1877).
La litanie de conflits émaillant l'époque Sengoku révèle sans ambiguïté le fait que la société de cette période fut fortement marquée par les affrontements, et que les guerres entrainaient de nombreuses destructions et violences touchant directement les populations civiles, sans doute plus que par le passé. Ces conflits incessants jouèrent un rôle majeur dans les évolutions socio-politiques de la période.
Les daimyō recrutaient l'encadrement et l'élite de leurs troupes au sein de la catégorie des « guerriers » (aussi samurai), dans leur propre lignage, mais aussi parmi un noyau de guerriers locaux pouvant constituer leur garde personnelle. Ils avaient pour plusieurs d'entre eux mis en place des dispositifs de façon à évaluer les contributions militaires que devaient leurs vassaux, et mobilisèrent de plus en plus parmi la catégorie des guerriers locaux et des paysans aisés. Ainsi, ils purent progressivement constituer des troupes plus importantes : alors que les troupes de l'époque d'Ōnin étaient composées de quelques centaines de soldats, au xvie siècle les seigneurs de la guerre étaient capables de mobiliser des dizaines de milliers d'hommes pour leurs campagnes.
Parmi les chiffres accessibles et qui donnent un ordre d'idée de la taille des armées, à prendre avec précautions, il apparaît ainsi que le clan Takeda pouvait mobiliser autour de 50 000 soldats pour une campagne dans les années 1570, les Mōri environ 65 000 en 1578 quand ils affrontèrent Hideyoshi (alors sous les ordres de Nobunaga), qui aurait réuni quant à lui 150 000 hommes ; un potentat local moins important comme le daimyō Chōsokabe de Shikoku pouvait compter dans les mêmes années sur environ 12 000 soldats. Les capacités de mobilisation furent considérablement augmentées par Hideyoshi, qui dominait la majeure partie du Japon et avait procédé à un recensement précis afin d'estimer les moyens à sa disposition ; il put ainsi mettre en place une levée de troupes à l'échelle nationale pour sa campagne contre la Corée.
Photographie d'un samouraï en armure (1860).
L'armement évolua au cours de la période. Les unités de cavaliers restaient les plus prestigieuses, comprenant aussi les guerriers les plus fidèles aux daimyō (sa garde montée, les umamawari). Mais les troupes de fantassins (les ashigaru, parfois uniquement des paysants formés au combat), en premier lieu les piquiers, augmentèrent en importance, fournissant le gros des troupes. Elles étaient équipées de piques dont la longueur fut progressivement augmentée. Le combat rapproché à l'épée perdit donc en importance. À cette période les sabres appelés tachi cessèrent d'être produits, les guerriers étant armés de katana ; ceux produits dans les ateliers du Bizen furent très prisés, réputés en particulier pour leurs lignes de trempe en ondulation irrégulière (gunome midare), notamment les réalisations du maître forgeron Yosōzaemon-no-jō Sukesada (début XVIe siècle).
La constitution des armures évolua dans la seconde moitié du xvie siècle, avec l'apparition des cuirasses dites tōsei gusoku, constituées par des plaques de métal reliées entre elles par des chaînes, métalliques également, employant moins de cuir que les modèles habituels de cuirasses de l'époque médiévale tardive, dits dōmaru et haramaki, déjà rendus plus légers pour faciliter les mouvements des combattants maintenant que la plupart d'entre eux combattaient à pied93. La plus grande innovation de la période fut cependant l'expansion de l'usage des armes à feu. Des mousquets rudimentaires produits à Okinawa étaient déjà employées durant la guerre d'Ōnin, mais ce furent surtout les arquebuses (fusils peu avancés) portugaises qui se propagèrent et servirent de modèle pour l'élaboration d'équivalents au Japon. À la fin du XVIe siècle, les fusils étaient l'arme à distance la plus répandue, mais l'arc restait employé (une proportion d'environ 80 % des premiers et 20 % des seconds). Les canons furent également intégrés dans les armées dans la seconde moitié du XVIe siècle.
Reproduction d'une cuirasse de samouraï.
Il est difficile de déterminer dans quelle mesure les femmes participaient au combat, l'activité guerrière étant en principe réservée aux hommes, même si la tradition postérieure a mis en avant le rôle de certaines guerrières de l'époque Sengoku (Tsuruhime). Quelques textes mentionnent bien la présence de femmes participant à la défense de cités assiégées, d'épouses loyales de seigneurs de la guerre défendant leur château lors de sièges, mais la participation des femmes aux conflits était sans doute limitée. Cela les excluait donc des récompenses reçues pour des actes méritoires lors de conflits.